1934 – 2014 : la Traction Avant Citroën a 80 ans.
De la Traction on sait tout, peu de voitures ont suscité autant d’engouement dans l’histoire de l’automobile. Comment lui rendre hommage pour cet anniversaire alors que tout a été dit, tout a été écrit ?
Tout simplement par mon témoignage d’un moment fabuleux passé à son volant.
A l’heure des ABS, ESP, direction assistée… toutes ces aides à la conduite qui facilitent la vie du conducteur, on a oublié qu’auparavant, conduire une automobile tenait souvent de l’aventure. Alors quand il m’a été donné de conduire une Traction Avant Citroën, le doute m’a envahit sur ma capacité à dompter la Reine de la route des années d’avant et d’après-guerre.
En ce matin pluvieux, c’est bien une des légendes de l’automobile qui est face à moi, qui plus est dans une de ses versions les plus prestigieuses, la Traction Avant 15 six cylindres.
Je ne vais pas refaire l’historique de cette voiture mythique, juste quelques rappels afin de comprendre encore un peu plus ma fébrilité.
Produite de 1934 à 1957, sauf les années de guerre, son histoire est liée, dans la mémoire collective, à cette période où elle sera tour à tour voiture de la Gestapo et icône de la Résistance. Ces qualités routières exceptionnelles pour son époque en font aussi la voiture préférée des gangsters… et du Général De Gaulle : respect.
La 15 six est la plus aboutie des Traction avec son moteur 6 cylindres en ligne de 2867 cm3 développant 77cv à 3800 tr/mn. Equipée d’une boite à 3 vitesses, sa vitesse maximale est de 130 km/h.
Retour à notre monument historique, la vieille dame est un modèle de 1952, un des derniers produits avec le célèbre cache-roue arrière, il s’agit précisément d’une 15/6D. La traction, noire comme il se doit, est imposante et on n’imagine pas qu’avec ses 4,76m, elle est plus courte qu’une Citroën C5 actuelle.
Bien que l’on connaisse cette voiture par coeur, tout impressionne : le capot immense, les deux gros phares chromés accrochés au sommet d’ailes au galbe d’un autre temps, la calandre inclinée barrée des deux chevrons, un toit très bas qui devait laisser sans voix les propriétaires de berline des années 30…
Les portes s’ouvrent sur un intérieur confortable, étonnamment spacieux, très éloigné des standards actuels. Les places arrières permettent une place incroyable aux jambes, je comprends mieux le Général.
Mais c’est devant que se situe le bonheur, la petite poignée dégage la portière qui s’ouvre dans le « mauvais sens » et oblige à rentrer à reculons! Le siège moelleux m’accueille confortablement, pas vraiment la position idéale pour conduire, mais nous sommes en 1952 n’est-ce pas. Devant moi le grand, très grand volant, le petit compteur art-déco, quelques boutons, un rétroviseur simplement destiné à surveiller le Général, un grand levier qui barre le tableau de bord, j’apprends que c’est le levier de vitesse, mon stress monte d’un cran.
Je m’ajuste, mon regard se porte à l’extérieur par le petit pare-brise vertical, le capot immense à l’extérieur parait maintenant gigantesque, il est dominé par les deux phares, je m’inquiète immédiatement : comment vais-je placer ce paquebot dans la circulation actuelle?
Le propriétaire ne me laisse pas à cette inquiétude là, il me dirige vers celle du maniement de l’engin.
Tout parait simple jusqu’au levier de vitesse : 3 vitesses seulement ? ça fera moins de changements. Mais attention, la dame est délicate et âgée, la première en bas à droite, la seconde, plus compliquée, en haut, à gauche puis en haut, « attention, elle grince facilement, il ne faut pas! » La troisième, facile, tout droit vers le bas, mais il aura fallu passer l’épreuve de la seconde avant.
C’est parti, contact avec la petite clé, je tire le starter puis le démarreur. Le moteur tourne, rauque, mais ne se lance pas, l’inquiétude remplace mon sourire jusque là affiché. Je laisse le maitre agir, même geste, même résultat, nous voilà avec deux visages inquiets. Relance avec plus de conviction, la dame se plie aux ordres, le moteur se met à chanter, sourd et feutré, la magie du six cylindres.
Il pleut, les essuies glaces tombent du toit, curieux, et s’ébrouent lentement, saccadés.
Première, pas de surprise, la Traction se conduit comme une voiture moderne et s’élance avec bonheur. La route est dégagée, la voiture est puissante et prend facilement de la vitesse, seconde, pas simple mais ça passe, troisième…
La concentration est maximum, le parcours sera court, je ne veux rien perdre de l’instant. Mais à l’heure d’écrire ces lignes, de mon impression il ne me reste que des bribes, certainement l’émotion et la concentration, un état second, seulement des sensations :
– silence, facilité, souplesse… je conduit un paquebot.
– un capot très présent bordé par les deux gros phares… vais-je passer?
– une lenteur dans l’exécution des gestes… une autre époque.
– un volant énorme, une direction musclée… une conduite physique.
– pas de frein, la voiture ne fait que ralentir… anticiper!
– les passants se détournent et sourient… je suis seul au monde.
Retour au point de départ, déjà le moment de quitter les commandes de cette voiture chargée d’histoire, qui a tant fait progresser l’automobile. Une séance photo pour immortaliser ce moment inoubliable dans la vie d’un passionné d’automobile.
La Traction Avant a 80 ans.
Un immense merci à Rémi qui m’a offert ce bonheur et confié sa Traction.
Bonjour URGENT !! Pouvez vous me dire si les portes avant de la traction se sont TOUJOURS ouvertes dans le « mauvais sens » ? Ceci pour contredire une amie !
merci !
Bonjour, oui toujours.
cordialement
Bonjour !
Que de souvenirs pour moi, mon grand père maternel en avait eu trois !
Une légère noire de 1939 à roues jaunes, enfin les jantes…
Une grise foncée, la familliale à trois vitre de chaque côté, avec ses petits
sièges au milieu, genre strapontins…
Et une 15 six grise claire, elle avait des houses de siège couleurs léopard,
ainsi que les garnitures de porte, elles aussi léopard. Quel drôle de goût !
Mais c’était d’origine, me disait mon grand père !
C’était gigantesque à l’arrière, une superbe et large banquette.
La dernière avait des problèmes de passage de vitesse, sinon elle étaient
toutes très silencieuses.
Merci de m’avoir rappeler des souvenirs…
Eric
Bonjour
J’ai la chance de rouler en 15/6H et même si j’étais richissime elle resterait ma favorite voiture ancienne dédiée pour la route.
Richard Boudrias, Montréal Québec
Félicitation, c’est une voiture fabuleuse, un cocktail de modernité et de voiture ancienne. Un vrai monument historique intimidant la première fois.
Merci pour ce témoignage.
Une sacrée voiture !!
🙂