C, K, X, voilà les trois lettres communes à Eddy Merckx et Jacky Ickx.
Mais ce qui réuni surtout ces deux champions, c’est leur nationalité belge, leur âge, 70 ans en 2015, leurs exploits hors du commun et leur amitié. Alors quand on a la chance de posséder dans son pays deux légendes de cette dimension, on les honore. La Belgique et plus précisément Bruxelles l’ont fait en leur consacrant une exposition anniversaire, au format original : une exposition exceptionnelle pour deux champions d’exception.
Jacky Ickx est un des pilotes auquel je voue le plus d’admiration et Eddy Merckx est tout simplement mon sportif préféré.
Cette exposition commune est pour moi l’opportunité de rendre hommage à Eddy Merckx avec Jacky Ickx, sans être hors sujet sur un blog consacré à l’automobile.
L’expo Merckx – Ickx
Voilà donc une exposition superbe et originale consacrée à deux sportifs belges qui ont marqué leur discipline de leur empreinte : le cyclisme pour Eddy Merckx et le sport automobile pour Jacky Ickx.
Ce qui rassemble ces champions, ce sont tout d’abord deux sports, théâtre d’affrontements épiques opposants des hommes qui vont au bout de leurs forces et parfois de leur vie. Dignes des grandes tragédies antiques, le cyclisme et la course automobile transcendent les foules. Au sommet de la passion, le Tour de France et les 24 Heures du Mans créent les héros modernes et bâtissent de véritables légendes.
Légendes, Merckx et Ickx le sont devenus et l’exposition de Bruxelles met en lumière leur deux carrières.
Située à deux pas de l’Atomium de Bruxelles, l’exposition met en œuvre une scénographie originale, un parcours parallèle retraçant la carrière et les exploits des deux champions.
Le parcours de gauche c’est le coureur cycliste, celui de droite c’est le pilote automobile. Pour l’un comme pour l’autre leur plus célèbres montures sont présentées, 10 vélos de Merckx dont celui du record de l’heure, accompagnés d’une Peugeot 404 suiveuse du Tour de France, 9 voitures de course de Ickx dont des Porsche et la Ford GT40 du Mans, ainsi que 2 Ferrari F1.
Des objets, des maillots, combinaisons et casques, des trophées, des évocations de l’histoire des champions émaillent le parcours interactif agrémenté de photos et vidéos.
L’exposition s’attache à montrer l’histoire parallèle, année après année, des deux champions, « Amis pour la vie » comme le précise le dossier de presse :
« Ickx et Merckx. Merckx et Ickx. Deux belles personnes. Deux héros. Deux icônes.
Tous deux détenteurs d’un impressionnant palmarès et parés de multiples titres honorifiques […]
Ickx et Merckx. Merckx et Ickx. Deux noms indissociablement liés au sport de haut niveau. Deux noms indissociablement liés à la Belgique […] Fièrement, ils ont défendu les couleurs noir jaune rouge aux quatre coins de la planète. Sans relâche.
Ickx et Merckx. Merckx et Ickx. Deux hommes de la même génération. Deux pairs. Deux grands Belges de Bruxelles. Deux camarades qui se respectent et se font confiance depuis cinquante ans déjà. Deux amis pour la vie. Jacky et Eddy. Eddy et Jacky. »
Eddy Merckx, le meilleur coureur cycliste de tous les temps
Merckxissimo, Merckxien, cannibale… tous les noms donnés à Eddy Merckx vont dans le même sens, ils illustrent le champion d’exception, celui qui veut tout gagner avec autorité et panache.
Incontestablement Merckx était le meilleur de sa génération et, bien qu’il soit difficile de comparer les époques entre elles, il y a consensus pour dire qu’il est le meilleur coureur cycliste de tous les temps.
Un palmarès hors norme
625 victoires dont 525 sur route, 98 sur piste et 2 en cyclocross!
32 grandes classiques, 11 grands tours dont 64 étapes, 4 titres mondiaux, le record de l’heure, 7 Trophée « Super prestige », 7 Milan San Remo (sur 10 participations), 3 Paris Roubaix…
Un palmarès hors norme et inégalable qui relègue loin derrière les autres grands champions de la discipline. Aucun n’a jamais écrasé la concurrence comme Eddy Merckx dans toutes les disciplines à la fois. Rouleur, sprinter, grimpeur, Merckx cumule le plus beau palmarès et le record de victoires dans les courses à étapes et dans les classiques, ce qu’aucun autre coureur cycliste n’a réussi à ce jour. Pas même Coppi, Hinault et Anquetil qui ne peuvent se comparer à lui en ce qui concerne le palmarès.
L’art et la manière
Au delà du palmarès, Merckx c’est l’art et la manière de gagner, de pratiquer son sport, c’est l’accumulation d’exploits, la soif de vaincre mais aussi le respect de l’adversaire, la grandeur de l’homme jusque dans dans la défaite.
L’expo de Bruxelles relate quelques uns des moments qui ont forgé la légende Merckx : le Tourmalet 1969, Milan San Remo, le Record de l’heure… On pourrait en ajouter des dizaine, mais pour montrer qui était Merckx, je retiendrais l’étape Orcières Merlette – Marseille du Tour de France 1971.
L’étape précédente, Eddy Merckx a connu la première défaillance de sa carrière, Luis Ocana l’a relégué à près de 9 minutes, une humiliation pour le champion. Tous les observateurs sont unanimes, Merckx a perdu le Tour.
La 12ème étape qui conduit à Marseille est sans difficulté, une étape de transition. Mais Eddy Merckx, avec 2 coéquipiers, attaque dès le départ, dans une descente de 6 km. Un groupe de neuf coureurs se forme et une course poursuite s’engage pour le peloton d’Ocana, sur les 251 km de l’étape. Le Tour s’affole, la course prend 2 heures d’avance, du jamais vu, au point que lorsque Merckx et son groupe arrive à Marseille, les officiels se sont pas là et les spectateurs clairsemés. Merckx a repris 2 minutes et Ocana a compris que Merckx n’abdiquerait jamais. Tout le monde su, ce jour là, qu’Eddy Merckx n’est jamais aussi grand que lorsqu’on le croit battu.
On connait la suite, l’abandon d’Ocana et la victoire de Merckx, alors pénalisé pour avoir refusé de porter le maillot jaune le lendemain de la chute d’Ocana et qui déclarera «J’aurais préféré terminer deuxième après avoir livré bataille tous les jours»
Bien que ses victoires l’aient rendu immensément populaire et qu’il domine sans partage l’histoire du cyclisme, Merckx est toujours resté modeste et respectueux de ses adversaires, ce qui rend l’homme encore plus fascinant.
Son amour inconditionnel du vélo, sa formidable ténacité et un talent incontesté font d’Eddy Merckx le cycliste le plus doué de tous les temps, un champion dont on ne connait que peu d’équivalents dans l’histoire du sport moderne.
Pour conclure voilà ce que disait le grand Jacques Anquetil : « Vous me demandez à quoi doit ressembler le coureur cycliste idéal ? Prenez les jambes de Merckx, la tête de Merckx, les muscles de Merckx, le coeur de Merckx et la soif de vaincre de Merckx. »
Jacky Ickx, Monsieur le Mans
Monsieur Le Mans, le surnom range immédiatement Jacky Ickx dans la catégorie des champions d’exception. Mais qu’on ne s’y m’éprenne pas, Ickx n’est pas seulement le pilote emblématique de la plus grande course au monde, c’est un des pilotes les plus complets de l’histoire, au palmarès impressionnant.
Une légende vivante
Vivant, c’est peut être là l’exploit le plus fabuleux de Jacky Ickx. A une époque où la mort se cachait derrière chaque virage, il a miraculeusement survécu. Dans un sport où la moindre erreur peut s’avérer fatale, qui a vu tout au long du 20ème siècle disparaître un nombre incalculable de pilotes, et parmi les plus grands, rester vivant en se constituant un fabuleux palmarès vous fait rentrer immédiatement dans la Légende, celle avec un grand L, la légende vivante. Le sport automobile fourmille de pilotes entrés dans la légende après leur mort voire par leur mort, entrés dans la mémoire brutalement, en pleine gloire, sans fin de carrière en demi-teinte, sans retraite qui vous fait redevenir un homme normal.
Jacky Ickx est vivant et une légende.
Une légende acquise sur la piste, toutes les pistes. A l’heure de la spécialisation, où les pilotes sont enfermés dans leur discipline, il parait inconcevable de bâtir un palmarès englobant la F1, l’Endurance voire le Rallye.
Jacky Ickx est un des seuls, dans l’histoire du sport automobile, à avoir réussi dans tous les domaines, sautant d’une discipline à l’autre avec une facilité déconcertante et en se forgeant un palmarès impressionnant :
Deux fois vice-Champion du Monde de Formule 1, vainqueur de huit Grands Prix officiels, six fois vainqueur des 24 Heures du Mans, deux fois Champion du Monde d’endurance, vainqueur du championnat américain Can-Am et de Paris Dakar.
Pilote éclectique par excellence, il a couru, en 20 ans de carrière, sur 89 voitures différentes. Et comme dans cette discipline, l’homme et la machine restent toujours interdépendants, il a toujours eu besoin d’une monture performante et pilotera pour les marques les plus prestigieuses, Ferrari, Porsche, Ford…
Gentleman driver
Jacky Ickx n’est pas seulement « une machine à gagner », il est la meilleure illustration du gentleman driver. Si pour lui seule la victoire comptait, c’était toujours dans le respect de l’adversaire et dans la prise de risque calculée.
Jacky Ickx est un compétiteur, celui qui calcule et qui s’impose en fin tacticien, l’homme des remontées improbables, qui ne baisse jamais les bras, jusqu’à la victoire.
Selon moi, la meilleure illustration de cette approche de la course, ce sont les 24 Heures du Mans 1969.
Jacky Ickx, alors âgé de seulement 24 ans mais déjà 4ème du Championnat du Monde de Formule 1, va faire parler de lui avant le départ de l’épreuve. Soucieux de la sécurité, il dénonce le départ type 24 heures. Traverser la piste en courant, puis s’élancer sans même prendre le temps de fixer le harnais de sécurité est, selon lui, une prise de risque inutile et une source d’accidents. Le dernier en date est survenu l’année précédente, alors que Willy Mairesse ne s’était pas attaché et que sa portière mal fermée est certainement la cause de l’accident survenu seulement 2 minutes après le départ. Éjecté dans le choc, blessé sérieusement à la tête et aux bras, il restera deux semaines dans le coma.
Ickx n’hésite pas à affronter l’ACO mais il est isolé face à la direction de course et ne reçoit pas l’appui des autres pilotes. Qu’importe, à l’heure du départ, il traverse la piste en marchant d’un pas tranquille, s’installe correctement dans sa Ford GT 40 et s’élance bon dernier.
On connait la suite, les Porsche vont dominer avec insolence les 3/4 de la course, mais, au fil des heures, les ennuis ne vont pas épargner les voitures allemandes. La Ford de Ickx – Oliver s’empare de la seconde place à trois heures de l’arrivée. Une nouvelle course commence…
Pendant la dernière heure, le suspense est à son comble. Ickx, sur la Ford GT 40 et Herrmann, sur la Porsche 908, ne seront jamais séparés de plus de 2 secondes et demi et échangeront leurs positions pas moins de huit fois. Dans le dernier tour, Jacky Ickx en grand tacticien, laisse passer la Porsche à l’entrée des Hunaudières pour profiter au maximum de son aspiration dans la ligne droite, puis se porte à sa hauteur dans la courbe avant de la passer au freinage de Mulsanne. La GT 40 conserve une mince avance dans la chicane Ford, accélère et franchit la ligne avec 120 mètres d’avance.
Les conditions exceptionnelles de cette première victoire d’une série de six, propulsent Jacky Ickx au sommet d’une célébrité qui ne le quittera plus.
Tactique, maîtrise et intuition, audace et talent sont les armes qui reviennent pour définir un des plus grand pilotes de l’histoire de la course automobile.
La rencontre des légendes : un film pour l’histoire
Dans le cadre de cette exposition, un clip à été tourné. Il met en scène nos deux champions en habit de scène dans un sprint symbolique.