Une voiture historique, célèbre ou simplement originale. Une reproduction en miniature de cette automobile. Un rendez-vous mensuel…
Ce mois-ci, la Renault Nervasport de record 1934 et sa reproduction au 1/43ème par CIJ. Entre la 40CV de record de 1926 et l’Etoile Filante de 1956, présentées à Rétromobile, la Nervasport de 1934 accrocha elle aussi quelques beaux records.
Les années 20 et 30 vont être témoins d’une course acharnée aux records. En France, l’autodrome de Montlhéry, dont l’anneau de vitesse est construit en 1924, est utilisé par la plupart des grands constructeurs comme vitrine de leur savoir-faire et théâtre de leurs affrontements. Ce n’est pas la vitesse pure qui est recherchée, mais la vitesse conjuguée à l’endurance. La course au chronomètre va durer de 1925 à 1937.
Renault dans la course aux records
Renault comprend très vite l’intérêt de ce type d’épreuve, moins coûteux que la course et bien couvert par la presse. Les records apportent une bonne publicité, d’autant que les voitures restent proches des modèles de série, tout au moins en ce qui concerne les organes mécaniques.
En 1926, Renault se lance avec un premier modèle, la 40CV et son énorme moteur, pour accrocher quelques records significatifs, les 50 miles à 190,013 km/h et les 24 heures à 173,649 km/h. La marque de Boulogne Billancourt ne s’arrête pas là et va dédier une équipe pour développer des véhicules spéciaux. C’est « l’atelier 153 ».
Ainsi, différents modèles, très proches de la série, battrons des records dans leur catégorie: Vivasix, Monaquatre, Primastella, Nervastella, vont successivement se distinguer.
En 1934, probablement encouragé par les exploits de la Rosalie du grand rival Citroën, Renault va développer une nouvelle voiture de record sur la base de la Renault Nervasport. Berline sportive de luxe, la Nervasport sera produite de 1933 à 1935. Elle évoluera ensuite en Nerva Grand Sport remportant en 1935 le Rallye de Monte Carlo (présentée aussi cette année à Rétromobile).
La Nervasport de record est réalisée à Billancourt par l’atelier 153, la carrosserie est conçue par l’ingénieur Marcel Riffard, père des avions de course Caudron dont la firme vient d’être rachetée par Renault.
Elle est construite sur une armature en bois revêtue de tôles formées. L’auto est un coupé monoplace très étroit, soigneusement caréné et dont l’arrière se resserre pour former une dérive stabilisatrice. C’est une évolution sur les voitures concurrentes, Voisin, Citroën ou Delahaye, dont l’arrière est plongeant. A l’avant, quatre gros phares doivent compléter le faible éclairage de la piste, qui n’est qu’un simple balisage. La voiture est emmenée par le puissant 8 cylindres de 4825 cm3 de la Nervasport.
Du 3 au 5 avril 1934, Renault s’installe sur le circuit de Montlery, les techniciens de l’atelier 153 et les quatre pilotes: Quatresous, Fromentin, Wagner et Berthelon. A 15h37 la voiture s’élance pour une course en solitaire, les pilotes se relaient toutes les 3 heures, les ravitaillements ne durent guère plus d’une minute. A part une fuite d’eau rapidement résolue, la Nervasport ne connait pas d’ennui majeur et boucle les 48 heures triomphalement.
Elle bat le record du monde des 48 heures dans la catégorie « 3 à 5 litres », en parcourant 8037,31 km à la moyenne de 167,445 km/h. Par la même occasion, elle bat aussi les records des 4000 et 5000 miles. Louis Renault va exploiter ce record dans sa communication publicitaire, mettant en avant la puissance et l’aérodynamisme.
Toutefois, le record ne tiendra pas longtemps puisque un mois plus tard, le 8 mai 1924, une Delahaye 18 CV de 3,2 litres carrossée elle aussi en coupé monoplace profilé , bat le record des 48 h à 176,3 km/h de moyenne.
De la piste béton au parquet bois
André Citroën a lancé les jouets Citroën en 1922, avec l’aide de Fernand Migault et Marcel Gourdet, le créateur de la Compagnie Industrielle du Jouet. Lorsqu’en 1934, Citroën connait de graves difficultés financières, la C.I.J cesse la fourniture des petites autos à son client devenu insolvable.
C.I.J se tourne alors à nouveau vers Louis Renault qui, très content de copier le concept de son grand rival, accepte cette fois la proposition, lui qui l’avais refusé en 1922. Ainsi naquirent en 1934 les Jouets Renault.
C’est donc tout naturellement, qu’avec les exploits de la Nervasport de record, CIJ s’intéresse à cette voiture. D’ailleurs, ce n’est pas un mais trois modèles qui sont proposés, démontrant ainsi tout le savoir faire de la marque de Briare.
Sous la dénomination Nervasport de Montlery, la voiture est reproduite en tôle au 1/10ème et au 1/20ème, et en « plâtre et farine » au 1/43ème. C’est ce modèle qui nous intéresse dans ce « une voiture, une miniature », il est en effet l’occasion d’évoquer une technique utilisée pendant quelques années, avant guerre, par C.I.J.
Au début des années 30, la démocratisation du jouet s’accompagne de la diminution de la taille des petites autos. Apparait ainsi toute une production de voitures miniatures mesurant moins de 10cm, proche de l’échelle O des trains, donc du 1/43ème qui sera pérennisé par Dinky Toys. Un certain nombre de fabricants se spécialisent dans ce format, on pense ici à AR, CR, Tootsietoys, Dinky Toys… ils utilisent le plomb, la tôle ou le zamak.
C.I.J va choisir une autre voie pour ses petits modèles. S’il va conserver la tôle pour les grandes échelles, puis, dès 1932, afin de baisser les coûts, il va utiliser un matériau qu’il nomme officiellement « matière plastique », appellation basée sur la plasticité du matériau.
Il s’agit d’une fine terre glaise, malléable, diluée avec de l’eau, appelée barbotine. Cette pâte est coulée dans des demi-moules aux formes de la miniature. Les deux demi-pièces obtenues sont raccordées entre elles puis cuites au four donnant ainsi une miniature en grès prête à être décorée.
C.I.J, qui sera le seul à utiliser ce procédé de fabrication, peut être considéré comme le précurseur des matières plastiques utilisées dans le domaine de la miniature.
Alors pourquoi utilise t-on le terme “plâtre et farine”? Celui-ci apparaît dans les années 60 lorsque le fabricant Norev devient leader avec ses réalisations en matière plastique à base de produits pétroliers. Quelques collectionneurs établissent alors un lien entre la “matière plastique” de CIJ et le “plâtre et farine” de quelques fabricants avant guerre. Ils donnent le nom “plâtre et farine” aux miniatures de CIJ et “matière plastique” aux productions de Norev, Minialuxe, gégé, etc… Cette appellation erronée demeure encore de nos jours.
C’est donc en « matière plastique » dite « plâtre et farine » que C.I.J propose la Renault Nervasport de Montléry dès 1935. Mesurant 10 cm, elle est réduite à une échelle proche du 1/43ème. Bien que monobloc, la Nervasport possède des lignes fidèles qui traduisent bien l’aspect très effilé de la voiture. Les vitres sont suggérées par une peinture argentée, la calandre est noire avec les 4 phares représentés en argent. Les modèles sont équipés soit de roues en plomb (référence 2/4), soit de roues à pneus (référence 2/5). Enfin, des inscriptions Renault et Nervasport au pochoir ou en décalque sont apposées de part et d’autre de la dérive. La petite voiture recevra de nombreux coloris.
Voilà donc un très bon modèle, contemporain de la vraie voiture, à préférer sur les quelques reproductions plus récentes. N’oublions pas non plus que Dinky Toys a reproduit une miniature inspirée de la Nervasport de record mais fausse sur la partie arrière. Une fois n’est pas coutume, elle est reléguée par la C.I.J.
Compte tenu de son âge, 80 ans, la C.I.J n’est pas courante mais la croise régulièrement chez les marchands spécialisé ou encore sur Ebay. Il faut compter autour de 100€ pour un modèle en bon état.